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Page:Le judaïsme avant Jésus-Christ.pdf/58

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thème est toujours et partout celui de la sainteté. Cet attribut redoutable qui frappe de mort ceux qui s’approchent de Dieu sans être purs sera cependant une cause de vie. Du sanctuaire sortira une source qui deviendra un grand fleuve puis une mer, submergeant et assainissant les eaux de la mer Morte, désormais féconde, et bordée d’arbres aux fruits savoureux[1].

Devant cette vision, découpée si nettement dans un horizon de rêve, l’architecte et le topographe proclament l’irréalisable. Une réalité était cependant contenue dans ce symbolisme, celle du Judaïsme qui allait naître. Elle correspondit à la prophétie par la conversion des captifs, ramenés en Terre Sainte, groupés autour du Temple isolé désormais, sans roi de la maison de David, obéissant à un prince, assidus à la pratique du culte sous la direction des prêtres sadocides, en attendant l’effusion de la grande source du salut.

Quand Ézéchiel eut les yeux fermés sur cette promesse, le peuple était-il assez docile pour y croire ? Revenir à Dieu, selon le langage des prophètes, c’était revenir à lui par le cœur, changer un cœur de pierre en un cœur de chair. Le châtiment n’est pas de nature à attendrir. Il aveugle, s’il se heurte à l’obstination. Même s’il frappe l’intelligence et l’éclairé, il ne touche pas le cœur. La conviction que le Maître a frappé ne ramène à lui que si la peine est infligée par un Père qui ne frappe que pour guérir, qui ne s’éloigne que pour être appelé.

Comment les captifs de Babylone furent-ils attirés vers leur Dieu ? Sur les rivages de l’Euphrate, ils se souvinrent du Jourdain. Le sol brûlant de Babylone avec ses palmiers monotones, évoquait dans ses mirages les collines boisées de Juda, la rosée distillée par l’Hermon lointain, la vigne odorante dans sa fleur, fortifiant du jus de ses grappes les bras lassés. Les dieux étrangers, qu’on avait tant redoutés d’une terreur admiratrice, vus de plus près, adorés par des vainqueurs odieux, ne parlaient pas au cœur comme le Dieu d’Israël, salué de cris joyeux quand la sainte Sion apparaissait dans sa gloire aux pèlerins. Babylone, Ninive, Sepharwaïm, Cutha, noms détestés, maudits par les mères : Mambré, où les anges avaient apparu à Abraham, Béthel, où le ciel s’était entr’ouvert pour Jacob, Dothan, où errait Joseph, Jérusalem, la reine de la Judée, conquise et rebâtie par David, le Jourdain, ouvert comme un chemin à l’entrée des tribus, le Jabboq, où Israël avait lutté avec Dieu : noms chéris, lieux où il avait été doux d’évoquer le souvenir des ancêtres. Et partout le souvenir de Dieu : aussi chantaient-ils : « Au bord des fleuves de

  1. Éz., xlvii, 1-13.