Aller au contenu

Page:Le judaïsme avant Jésus-Christ.pdf/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des pays, il les vit et chercha un roi juste, un roi selon son cœur, qu’il amènerait par la main. Il appela son nom Cyrus, roi d’Ansan ! et il désigna son nom pour la royauté sur toutes choses[1].

Quel avait donc été le crime de Nabonide ? Plutôt semble-t-il par excès de dévotion que par impiété, comme le lui reproche Cyrus, ou pour mieux asseoir la suprématie de Babylone comme l’unique centre religieux de son empire, Nabonide, son dernier roi indigène, avait dépouillé tous les temples du royaume de leurs statues pour en enrichir sa capitale. « Cyrus », écrit le P. Dhorme[2], « apparaît comme le restaurateur des cultes détruits. Son premier soin, à Babylone, est de faire retourner les divinités locales chacune dans sa ville[3] : « Depuis le mois de Kisleu (novembre-décembre) jusqu’au mois d’Adar (février-mars), les dieux d’Akkad (Babylonie) que Nabonide avait amenés à Babylone retournèrent dans leurs villes ». Non seulement il les rend à leurs cités, mais il prend soin qu’on y rebâtisse leurs temples afin qu’ils puissent habiter « une demeure éternelle »[4]. Et le pieux roi demande que tous ces dieux, irrités contre Nabonide, mais calmés par Cyrus, veuillent bien intercéder auprès de Mardouk pour lui-même et son fils Cambyse ».

On voit quelle éclatante lumière les documents contemporains jettent sur la conduite de Cyrus envers les Israélites. On n’avait pas transporté Iahvé à Babylone, puisqu’il n’avait pas d’image. Mais on avait détruit son temple ; Cyrus ordonna de le rebâtir. C’était pour lui une démarche plus naturelle que d’affecter de se ranger parmi les adorateurs de Mardouk. L’opposition était complète entre la religion des Perses qui n’adoraient guère qu’Ahura-Mazda, le dieu du ciel, sans temples, sans idoles, et la variété prodigieuse des dieux des Chaldéens, leurs temples immenses, le luxe magnifique et dévergondé de leurs statues et de leurs cultes. Aussi les conquérants ne songèrent-ils pas un instant à adopter la religion des vaincus. Mais ils laissèrent les dieux maîtres chacun chez soi, et, par conséquent, comme roi de Babylone, Cyrus est investi par Mardouk. En vertu du même principe, les Perses demeureront chez eux les serviteurs d’Ahura-Mazda, et Iahvé sera le Seigneur de Jérusalem. Cette sorte de charte religieuse frappe par sa simplicité ce fut celle du traité de Westphalie et de Napoléon en Égypte plutôt que celle des Croisés à Jérusalem.

Il y a plus. C’est avec la religion des Judéens que celle des Perses avait le plus d’affinité. Nabonide avait essayé de ramener les religions de son

  1. Chronique Nabonide-Cyrus verso, l. 19 s., cité par Dhorme, l. l.
  2. L. l., p. 44.
  3. Chron. Nab.-Cyr., verso, I, 21 ss.
  4. Cylindre de Cyrus, 32.