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Page:Le judaïsme avant Jésus-Christ.pdf/62

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La première partie du plan de Dieu, c’était la ruine de Babylone. Cyrus approchait ; sa politique lui avait préparé les voies : il entra dans la ville en maître acclamé. Le mur invulnérable n’était plus qu’une masse inutile. Les Israélites transportés de joie voyaient déjà les idoles, celle de Bel-Mardouk le dieu suprême, celle de Nébo de Borsippa, le maître de sagesse, s’en allant cahin-caha, chargées sur des bêtes de somme, roulant par terre dans les passages difficiles, sur la voie de la captivité qu’elles suivaient à leur tour[1].

Mais si ce spectacle grotesque faisait goûter les joies de la vengeance, que serait l’avenir ? Le joug de Babylone avait succédé pour Israël à celui d’Assur sans améliorer sa destinée. Avec ces maîtres qui parlaient presque la même langue, on s’entendait du moins avec un peu d’efforts, grâce aussi à cette langue araméenne que tout l’Orient avait adoptée. Qu’attendre de ces montagnards sauvages descendus du Nord et de l’Orient, avec lesquels on n’avait pas eu le temps de nouer des intelligences ?

La prophétie avait réponse à ce doute :

Je dis de Cyrus : « C’est mon berger ;
il accomplira toute ma volonté,
en disant à Jérusalem : Sois rebâtie !
et au temple : Sois fondé ! »[2].

D’ailleurs l’ordre était formel :

Sortez de Babylone, fuyez les Chaldéens
avec des cris de joie ![3].


§ 3. — Le retour de la captivité.

Cyrus n’était pas seulement un grand capitaine. Il surgit dans l’histoire comme un pacificateur et l’organisateur d’un monde nouveau. Sa politique religieuse atteste surtout l’étendue de son génie. Chacun des conquérants anciens affectait de triompher des dieux comme des peuples : « Est-ce que les dieux des nations ont délivré chacun leur pays de la main du roi d’Assyrie ? Où sont les dieux d’Emath et d’Arphad ? Où sont les dieux de Sépharvaïm, d’Ana et d’Ava ? » disait l’envoyé du roi d’Assyrie, s’adressant à tout le peuple de Jérusalem[4]. Et pour constater sa victoire, le vainqueur emmenait en captivité les dieux aussi bien que leurs adorateurs.

Cyrus affecta au contraire d’avoir été appelé par Mardouk pour délivrer Babylone du joug de l’impie Nabonide[5]. « Mardouk considéra la totalité

  1. Is., xlvi, 1 s.
  2. Is., xliv, 28.
  3. Is., xlviii, 20.
  4. II Rois, xviii, 33 s.
  5. Pour toute cette politique, voir le P. Dhorme, Cyrus le Grand, dans RB., 1912, p. 22-49.