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Page:Le judaïsme avant Jésus-Christ.pdf/85

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atteints : la religion, phénomène social, paraissait donc menacée. Mais l’État avait remplacé la cité, et elle prit une force nouvelle comme religion d’État. Les souverains, héritiers de l’empire d’Alexandre, consacrèrent toutes leurs forces à la faire revivre. Nos érudits, préoccupés surtout de l’évolution des idées et convaincus de leur force souveraine, ne tiennent pas assez compte de cette quantité massive, la plus énergique parce qu’elle s’accroît du poids des masses qu’elle soulève, la politique ou la raison d’État. L’intervention du prince a été souvent notée à propos d’Auguste, restaurateur de la religion et des mœurs. On a moins remarqué l’intervention des princes macédoniens pour remettre la religion en honneur, chacun s’attachant de préférence à un dieu qui serait celui de son empire, se réservant d’avoir part à ses honneurs en se donnant comme une manifestation de la divinité.

Le roi se présentait comme Sauveur, l’office devenu le plus populaire de la divinité dans le bouleversement de toutes choses, se déclarant Zeus s’il osait, ou du moins Dionysos, très populaire en Syrie, et que sa course errante et triomphale rendait semblable à ces souverains dont l’empire avait des limites extensibles mais peu sûres.

C’est ainsi que la religion hellénistique, au moment où elle perdait en Grèce beaucoup de son ancien éclat, se répandit en Syrie d’une marche victorieuse, et sembla éliminer les anciens panthéons orientaux aussi facilement que les Grecs avaient vaincu les Perses. L’Égypte résista mieux, et plus tard les cultes de l’Orient eurent leur revanche. Mais au début des temps hellénistiques, tous plièrent, sauf le culte du Dieu des Juifs.

Dans leur politique religieuse, les princes macédoniens ne furent pas entraînés par un aveugle fanatisme. Le motif le plus noble qu’on puisse leur supposer, et qu’on retrouve en effet, c’était la conviction sincère que l’hellénisme, dans toutes ses manifestations, était supérieur à la culture indigène. A supposer que les dieux fussent au fond les mêmes, la religion grecque était la forme la plus élevée du culte, celle qu’avaient chantée Homère et Pindare, qu’avaient glorifiée Phidias et les autres grands artistes, architectes ou sculpteurs[1].

Le mobile gouvernemental agissait dans le même sens. Accepter l’idée ou la forme grecque, c’était se ranger définitivement au nouveau régime. Ce fut toujours le principe des souverains absolus que l’unité religieuse est la meilleure garantie de stabilité politique. Et quand le culte s’adressait à la personne même du roi, lui refuser l’hommage comme à un dieu, c’était déjà se révolter contre sa domination.

  1. Telle fut encore et surtout la conviction de Julien l’Apostat.