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Page:Le judaïsme avant Jésus-Christ.pdf/88

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de Babylone à la Méditerranée. Deux villes nouvelles, Ctésiphon et Antioche, en furent les capitales, aux deux extrémités, orientale et occidentale, mais le point d’appui du pouvoir fut en Syrie. Sauf à Antioche, fondée par Séleucus, la Syrie était beaucoup moins sous l’influence de l’hellénisme que l’Égypte du Delta et la région de Pergame.


    Ce qui est essentiel pour nous c’est que le Ier livre des Macchabées, sans parler de la véracité garantie par son caractère sacré, est regardé comme un excellent livre d’histoire par l’immense majorité des critiques (sauf surtout Niese).

    Le IIe livre n’a pas la même physionomie. Il a compris lui aussi le caractère de la lutte entre

    le judaïsme et l’hellénisme, mais il a insisté davantage sur des éléments psychologiques plus complexes, les rivalités entre les partis et les personnes chez les Juifs, la rapacité des princes syriens, et surtout il a plus clairement indiqué la leçon qui se dégageait des faits, les raisons du châtiment divin dans les fautes commises, du salut des Juifs dans l’héroïsme des martyrs. L’histoire est moins politique, plus religieuse : elle a pu omettre le coup décisif de Mattathias, et laisser entrevoir une autre récompense que le salut du peuple dans la résurrection des individus. L’auteur s’intéresse spécialement au Temple, et à la légitimité du sacerdoce. Comme il se donne expressément pour l’abrégé en un livre des cinq livres de Jason de Cyrène (ii, 24), on

    se demande dans quelle mesure il s’est attaché au plan, au but, au contenu du livre de Jason. Récemment M. Momigliano a soutenu que Jason avait eu pour but d’accréditer partout la fête de Nicanor (xv, 36 s.), tandis que II Mach., sans effacer ce trait, avait poursuivi l’établissement, surtout en Egypte, de la fête de la Dédicace, et en général s’était proposé de ruiner l’attachement des Juifs égyptiens au temple de Léontopolis au profit du Temple de Jérusalem.

    L’attachement exclusif au Temple de Jérusalem est indiscutable. Mais sur la composition et la limitation du livre, il n’y a qu’à s’en rapporter à l’auteur lui-même. Il a regardé la défaite de Nicanor comme décisive, et c’est pour cela qu’il n’est pas allé plus loin (xv, 38) : « Ainsi se passèrent les choses concernant Nicanor, et comme à partir de ce temps, la ville demeura en possession des Hébreux, moi aussi je finirai là mon récit ».

    Jason n’allait pas plus loin, puisque ce sont ses cinq livres que l’abréviateur a réduits à un, et c’est sûrement parce qu’il s’en tenait à son texte que II Macch. a pu dire que depuis l’échec de Nicanor Jérusalem est demeurée en possession des Hébreux. On peut donc estimer que Jason a écrit avant I Macch., sans qu’il ait exercé aucune influence sur ce livre.

    Ainsi, tandis que I Macch. s’étend sur une époque de 40 années de 175 à 135 av. J.-C., II Macch. n’embrasse que 15 ans, de 175 à 161. Il n’en est pas moins précieux pour les renseignements particuliers qu’il contient, surtout sur la pénétration de l’hellénisme. Il semble s’être attaché lui aussi à l’ère officielle des Séleucides (automne de 312).

    Depuis longtemps on s’est acharné contre le caractère historique de II Macch., à cause de son caractère de panégyrique religieux, et en affectant même de s’appuyer sur I Macch.

    Mais on peut écrire un panégyrique qui ne s’écarte en rien de la vérité. Ainsi l’oraison funèbre du grand Condé par Bossuet, qui ne contredit aucun trait des histoires proprement dites. Il peut résulter du genre littéraire et du but de l’auteur que certains faits soient passés sous silence et d’autres placés dans un ordre différent. Le fait de l’inspiration et la véracité des livres inspirés n’oblige pas à chercher un accord chronologique plus strict entre I et II Macch. qu’entre deux évangiles. En pareil cas, la critique donnera la préférence pour l’ordre des faits à l’auteur qui a manifesté le plus l’intention de s’y conformer. La principale divergence est, comme on sait, dans l’ordre de la mort d’Antiochus, après la dédicace, d’après I Macch. (iv, 36-61), et placée avant dans le contexte actuel de II Macch. (x, 1-9), contexte artificiel, puisqu’on peut déduire du livre lui-même qu’elle a été postérieure (viii, 98).

    De même le silence de II Macch. sur Mattathias n’est pas une négation du rôle éminent de ce personnage, tel qu’il est décrit dans I Macch.

    Quant au rouleau d’Antiochus (Megillath Antiochos) c’est simplement un échantillon du sans-gêne avec lequel les Rabbins ont écrit l’histoire, même en vue d’une récitation liturgique. — Parmi les derniers travaux relatifs aux deux livres des Macchabées, nous signalerons Pauly-Wissowa, Macchabäerbücher, I et II par Bickermann, 1928. — Arnaldo Momigliano, Prime linee di storia della tradizione maccabaica, Roma, 1930 ; cf. RB., 1931, p. 116 ss. — Hugo Bévenot, Die beiden Makkabäerbücher, Bonn, 1931.