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histoire du portefaix…
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naîtraient, et chercheraient à me tuer et à me perdre ! Et je ne trouvai guère d’autre expédient que celui de me raser la barbe. Aussi je me rasai la barbe, je me déguisai sous d’autres habits et je quittai la ville. Et je me mis en marche vers cette ville de Baghdad, où j’espérais arriver en sécurité et trouver quelqu’un qui me fît parvenir jusqu’au palais de l’émir des Croyants, le khalifat du Maître des Univers, Haroun Al-Rachid, à qui je voulais raconter mon histoire et mes aventures.

Je finis par arriver en sécurité dans cette ville de Baghdad, cette nuit même. Et je ne sus où aller ni où venir, et je devins fort perplexe. Mais tout à coup je me trouvai face à face avec ce saâlouk-ci. Alors je lui souhaitai la paix et lui dis : « Je suis étranger. » Il me répondit : « Je suis étranger, moi aussi. » Nous causions amicalement, quand nous vîmes arriver vers nous ce saâlouk-là, notre troisième compagnon. Il nous souhaita la paix et nous dit : « Je suis étranger. » Nous lui répondîmes : « Nous sommes étrangers, nous aussi. » Alors nous marchâmes ensemble jusqu’à ce que les ténèbres nous eussent surpris. Alors la destinée nous conduisit heureusement jusqu’ici, auprès de vous, nos maîtresses !

Et telle est la cause de ma barbe rasée et de mon œil abîmé ! »


À ce récit du premier saâlouk ; la jeune fille lui dit : « Allons ! c’est bien ! et maintenant caresse un peu ta tête[1]. Et va-t’en vite ! »

  1. C’est-à-dire : fais le geste de saluer, en portant la main à la tête. C’est une des façons de faire le salut oriental.