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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 1, trad Mardrus, 1918.djvu/180

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les mille nuits et une nuit

terre sur moi en s’écriant : « Sors de ta forme-ci et prends la forme d’un singe ! » Et, à l’instant même, ô ma maîtresse, je devins un singe, et quel singe ! Vieux d’au moins cent ans et assez laid ! Alors, moi, quand je me vis sous cet aspect, je fus d’abord mécontent et me mis à sauter et je sautais, en vérité ! Puis, comme cela ne me servait de rien, je me mis à pleurer sur moi-même et sur mon moi passé. Et l’éfrit riait d’une façon épouvantable, puis il disparut.

Alors je me mis à réfléchir sur les injustices du sort, et j’appris, à mes dépens, qu’en vérité le sort ne dépend point de la créature.

Après cela, je me mis à dégringoler du sommet de la montagne jusqu’au bas tout à fait. Et je me mis à voyager, en dormant la nuit dans les arbres, et cela durant un mois, jusqu’à ce que je fusse arrivé sur le rivage de la mer salée. Je m’arrêtai là près d’une heure, et je finis par voir au milieu de la mer un navire que le vent favorable poussait vers le rivage, de mon côté. Alors, moi, je me cachai derrière un rocher et j’attendis. Quand je vis les hommes arriver et aller et venir, moi, je m’enhardis et je finis par sauter au milieu du navire. Alors l’un des hommes s’écria : « Chassez vite cet être de mauvais augure ! » Et un autre s’écria : « Non ! tuons-le ! » Et un troisième s’écria : « Oui ! tuons-le avec ce sabre ! » Alors, moi, je me mis à pleurer et j’arrêtai de ma patte le bout du sabre, et mes larmes coulaient abondamment.

Alors le capitaine eut pitié de moi, et leur dit : « Ô marchands, ce singe vient de m’implorer, et