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histoire du portefaix…
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tien, et les étoffes aussi. » Enfin, cette vieille continua de la sorte à m’embellir cet acte et je dus consentir à faire entrer ma tête dans le sac et à accepter cette offre. Pour cela, je me couvris les yeux, et j’étendis le pan de mon voile afin que les passants ne vissent pas la chose. Et, alors, le jeune homme passa sa tête sous mon voile, approcha sa bouche de ma joue et m’embrassa. Mais, en même temps, il me mordit à la joue et une morsure si terrible qu’il me coupa la chair ! Et je m’évanouis de douleur et d’émotion.

Quand je revins à moi, je me trouvai étendue sur les genoux de la vieille, qui avait l’air d’être fort affligée pour moi. Quant à la boutique, elle était fermée et le jeune marchand avait disparu. Alors, la vieille me dit : « Qu’Allah soit loué de nous avoir épargné un malheur pire ! » Puis elle me dit : « Maintenant, il nous faut retourner à la maison. Mais, toi, tu feras semblant d’être indisposée, et moi, je t’apporterai un remède que tu appliqueras sur la morsure, et tu guériras à l’instant. » Alors je ne tardai pas à me lever, et, toute à mes pensées et à ma terreur des conséquences, je me mis à marcher jusqu’à ce que je fusse à la maison ; et ma terreur augmentait à mesure que je m’approchais. En y arrivant, j’entrai dans ma chambre et je fis semblant d’être malade.

Sur ces entrefaites, mon époux entra et, tout préoccupé, me dit : « Ô ma maîtresse, quel malheur t’est-il arrivé durant ta sortie ? » Je lui répondis : « Ce n’est rien. Je suis bien portante. » Alors il me regarda avec attention et me dit : « Mais qu’est-ce que cette blessure qui est sur ta joue, juste à l’endroit