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les mille nuits et une nuit

que continua à nier. Alors le vizir lui dit : « Saïd ! tu es un menteur, et tu as l’audace de démentir cet enfant qui certainement dit la vérité. Pourtant je consentirai à te croire si tu peux avaler tout ce bol préparé par ma belle-sœur ! Cela me prouvera que tu es à jeun ! »

Alors Saïd, quoique gonflé à la suite de sa séance chez Badreddine, voulut bien se soumettre à l’épreuve, et il s’assit devant le bol aux grains de grenade et se mit en devoir de commencer ; mais il fut obligé de s’arrêter à la première bouchée, tant il était rempli jusqu’au gosier. Et il rejeta la bouchée qu’il avait déjà prise. Mais il se hâta de dire que, la veille, il avait tellement mangé, sous la tente, avec les autres esclaves, qu’il en avait attrapé une indigestion. Mais le vizir comprit tout de suite que l’eunuque était entré réellement, ce jour même, chez le pâtissier. Il le fit alors étendre par terre par les esclaves, et il lui tomba dessus à coups redoublés et de toute sa force. Alors l’eunuque, roué de coups, finit par demander grâce, tout en continuant à crier : « Ô mon maître, c’est hier que j’ai attrapé une indigestion ! » Comme le vizir était fatigué à force de frapper, il s’arrêta et dit à Saïd : « Voyons ! avoue la vérité ! » Alors l’eunuque se décida et dit : « Eh bien, oui ! seigneur, cela est vrai ! Nous sommes entrés chez un pâtissier dans le souk ! Et son plat était si délicieux que, de ma vie, je n’ai goûté quelque chose d’aussi bon ! Mais aussi quel malheur d’avoir goûté maintenant à ce détestable et horrible plat-ci ! Allah ! que ceci est mauvais ! »

Alors le vizir se mit à rire beaucoup ; mais la grand’mère ne put plus se contenir de dépit, et