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histoire du vizir noureddine…
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une telle punition ? » Alors le vizir Chamseddine lui dit : « Pour la négligence que tu as apportée dans la préparation du plat de grenades ! Tu n’y as pas mis assez de condiments ni assez de parfums ! » À ces mots Hassan Badreddine se frappa les joues et s’écria : « Ya Allah ! et c’est là mon crime ? Et c’est pour cela que tu m’as fait subir ce long supplice du voyage, et que tu ne m’as donné à manger qu’une fois par jour, et que maintenant tu veux me clouer sur le poteau ? » Et le vizir, fort gravement, répondit : « Mais certainement, c’est à cause du manque d’assaisonnement ! Mais oui ! »

Alors Hassan Badreddine fut à la limite de la stupéfaction, et leva les mains vers le ciel, et se mit à réfléchir profondément ! Et le vizir lui dit : « À quoi penses-tu ? » Il répondit : « Oh ! pas à grand chose ! Simplement aux imbéciles dont tu es certes le chef ! Car, si tu n’étais pas le premier des imbéciles, tu ne me traiterais pas de la sorte pour une pincée d’aromates en moins dans un plat de grenades ! » Et le vizir lui dit : « Mais faut-il encore que je t’apprenne à ne plus récidiver ! Or, pour cela, il n’y avait que ce moyen-là ! » Et Hassan Badreddine lui dit : « En tout cas tes agissements à mon égard sont un crime bien plus considérable ! Et tu devrais te châtier toi-même le premier ! » Alors le vizir lui répondit : « Il n’y a pas à dire, c’est la croix qu’il te faut ! »

Pendant cette conversation, le charpentier, à côté d’eux, continuait à confectionner le bois du supplice et de temps en temps coulait sur Hassan un regard à la dérobée, comme pour lui dire : « Hou ! tu ne l’as pas volé ! »