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les mille nuits et une nuit

l’affliction de mon cœur et les pleurs de mes yeux.

Quand arriva la fête annuelle du Jour des Sacrifices, j’envoyai dire au berger de me réserver une vache bien grasse ; et il m’apporta une vache bien grasse — mais c’était ma concubine ensorcelée par cette gazelle-ci ! — Alors je relevai mes manches et les pans de ma robe et, le couteau à la main, je me préparai à sacrifier la vache. Tout à coup cette vache se mit à se lamenter et à pleurer des pleurs abondants. Alors je m’arrêtai ; mais j’ordonnai au berger de la sacrifier. Il le fit ; puis il l’écorcha. Mais nous ne trouvâmes en elle ni graisse ni viande : simplement la peau et les os. Je me repentis alors de l’avoir sacrifiée ; mais à quoi me servait le repentir ? Puis je la donnai au berger et lui dis : « Apporte-moi un veau bien gras. » Et il m’apporta mon fils l’ensorcelé en veau.

Quand ce veau me vit, il coupa sa corde, courut à moi et se roula à mes pieds ; et quels gémissements ! et quels pleurs ! Alors j’eus pitié de lui, et je dis au berger : « Apporte-moi une vache, et laisse celui-ci ! »

— À ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut sans profiter davantage de la permission. Alors sa sœur Doniazade lui dit : « Ô ma sœur, que tes paroles sont douces et gentilles et savoureuses et délicieuses au goût ! » Et Schahrazade répondit : « Mais elles ne sont vraiment rien comparées à ce que je vous raconterai à tous deux, la nuit prochaine, si toutefois je suis encore en vie et si le Roi veut bien me conserver I » Et le Roi se dit en lui-même : « Par Allah ! je ne la tuerai que lorsque j’aurai entendu la suite de son conte ! »