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histoire du marchand avec l’éfrit
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CONTE DU PREMIER CHEIKH


Le premier cheikh dit :

« Sache, ô grand éfrit, que cette gazelle-ci était la fille de mon oncle[1], et qu’elle était de ma chair et de mon sang. Je l’épousai alors qu’elle était encore jeune et je vécus avec elle près de trente ans. Mais Allah ne m’accordait d’elle aucun enfant. Aussi je pris une concubine qui, avec la grâce d’Allah, me donna un enfant mâle beau comme la lune à son lever ; il avait des yeux magnifiques et des sourcils qui se rejoignaient et des membres parfaits. Il grandit petit à petit jusqu’à ce qu’il fût un garçon de quinze ans. À cette époque je fus obligé de partir pour une ville éloignée, à cause d’une grosse affaire de commerce.

Or, la fille de mon oncle, cette gazelle-ci, était initiée dès son enfance à la sorcellerie et à l’art des enchantements. Par sa science de la magie, elle métamorphosa mon fils en veau, et l’esclave sa mère en vache ; puis elle les mit sous la garde de notre berger.

Moi, après une longue durée de temps, je revins de voyage. Je m’informai de mon fils et de sa mère, et la fille de mon oncle me dit : « Ton esclave est morte ; et ton fils s’est enfui et je ne sais où il est allé ! »

Alors, durant une année, je restai accablé sous

  1. Par euphémisme, c’est ainsi que les Arabes appellent souvent leurs femmes. On ne dit pas beau-père, mais oncle : donc la fille de mon oncle, au lieu de ma femme.