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les mille nuits et une nuit

Et le troisième cheikh dit :


CONTE DU TROISIÈME CHEIKH


« Ô sultan, ô toi le chef des genn ! cette mule-ci était mon épouse. J’avais été une fois en voyage et m’étais absenté loin d’elle une année entière ; et, quand j’eus terminé mes affaires, je revins pendant la nuit auprès d’elle, et je la trouvai couchée avec un esclave noir sur les tapis du lit ; et tous deux étaient là qui causaient, et minaudaient, et riaient, et s’embrassaient, et s’excitaient en folâtrant. Aussitôt qu’elle me vit, elle se leva vite et se jeta sur moi en tenant une cruche d’eau ; elle murmura quelques paroles sur cette cruche, m’aspergea avec l’eau, et me dit : « Sors de ta propre forme et deviens l’image d’un chien ! » Et immédiatement je devins un chien ; et elle me chassa de ma maison. Et je sortis, et depuis lors je ne cessai d’errer, et je finis par arriver à la boutique d’un boucher. Je m’approchai et me mis à manger des os. Lorsque le maître de la boutique me vit, il me prit, et vint avec moi à sa demeure.

Lorsque la fille du boucher me vit, aussitôt elle se voila le visage à cause de moi, et dit à son père : « Est-ce ainsi que l’on fait ? Tu emmènes un homme et tu entres chez nous avec lui ! » Son père dit : « Mais où est cet homme ? » Elle répondit : « Ce chien est un homme. Et c’est une femme qui l’a ensor-