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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 11, trad Mardrus, 1902.djvu/118

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les mille nuits et une nuit

Or, cela donna à réfléchir au vizir qui se dit : « En vérité, il ne m’est plus possible de garder cet enfant, après que le sultan l’a remarqué ! » Et il prépara un riche cadeau, appela le bel enfant chrétien et lui dit : « Par Allah, ô jouvenceau, n’était la nécessité, mon âme ne se serait jamais séparée de toi ! » Et il lui remit le cadeau, disant : « Tu porteras ce cadeau de ma part à notre maître le sultan, et tu seras toi-même une partie de ce cadeau, car dès cet instant je te cède à notre maître ! » Et il lui donna en même temps, pour qu’il le remît au sultan Saladin, un billet où il avait tracé ces deux strophes :

« Voici, o mon seigneur, une pleine lune pour ton horizon ; car il n’y a point sur terre d’horizon plus digne de cette lune !

Pour t’être agréable, je n’hésite point à me séparer, afin de te la donner, de mon âme précieuse, alors que — ô rareté sans pareille ! — je ne connais pas d’exemple d’un homme qui ait jamais consenti à se défaire volontairement de son âme ! »

Or, le cadeau plut d’une façon toute particulière au sultan Saladin, qui, généreux et grand selon son habitude, ne manqua pas de dédommager son vizir de ce sacrifice, en le comblant de richesses et de faveurs, et en lui faisant sentir, à toute occasion, combien il était entré dans ses bonnes grâces et son amitié…

— À ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut.