Aller au contenu

Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 11, trad Mardrus, 1902.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
126
les mille nuits et une nuit

comme elle le lui écrivit dans une seconde lettre où, après les louanges et les formules, elle disait : « Sache, ô émir des Croyants, que je ne partirai qu’à une seule condition : c’est qu’Al-Hajage, pieds nus, conduise, pendant ce voyage, mon chameau par la bride jusqu’à ton palais ! »

Or, cette lettre fit encore plus rire le khalifat que n’avait fait la première. Et il envoya sur le champ ordre à Al-Hajage de conduire par la bride le chameau de Hind. Et Al-Hajage, malgré tout son dépit, savait bien qu’il ne pouvait qu’obéir aux ordres du khalifat. Il se rendit donc, pieds nus, jusqu’à la demeure de Hind, et prit le chameau par la bride. Et Hind monta dans sa litière, et ne manqua pas, durant toute la route, de s’égayer de toute son âme aux dépens de son conducteur. Et elle appela sa nourrice et lui dit : « Ô ma nourrice, écarte un peu les rideaux du palanquin ! » Et la nourrice écarta les rideaux ; et Hind mit la tête à la portière, et jeta à terre un dinar d’or, au milieu de boue. Et elle se tourna vers son ancien époux et lui dit : « Ô chancelier, rends-moi cette pièce d’argent ! » Et Al-Hajage ramassa la pièce et la rendit à Hind, en lui disant : « C’est un dinar d’or et non une pièce d’argent ! » Et Hind, éclatant de rire, s’écria : « Louanges à Allah qui fait se changer l’argent en or, malgré la souillure de la boue ! » Et Hajage vit bien, à ces paroles, que c’était encore là un tour de Hind pour l’humilier. Et il devint bien rouge de honte et de colère. Mais il baissa la tête et fut obligé de cacher son ressentiment contre Hind, devenue l’épouse du khalifat !