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histoire de la jambe de mouton
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lut qu’ayant un motif de quitter la ville, il vînt précisément annoncer son départ à son épouse. Et l’adolescente ne manqua pas de témoigner à son second mari toute la peine que lui causait son éloignement, et, après les preuves diverses et multipliées d’une passion extraordinaire, elle lui remplit un sac de provisions de bouche pour le voyage, et lui fit ses adieux en appelant sur sa tête les bénédictions d’Allah — qu’il soit exalté ! — Et l’escamoteur Akil partit de sa maison en se louant d’avoir une épouse si chaude et si attentionnée, et faisant claquer sa langue de contentement.

Et comme la destinée de chaque créature l’attend d’ordinaire à quelque tournant de chemin, les deux maris devaient trouver la leur au moment où ils y pensaient le moins. En effet, à la fin de sa journée l’escamoteur Akil entra dans un khân qui se trouvait sur la route, se proposant d’y passer la nuit. Et, en entrant dans le khân, il n’y trouva qu’un seul voyageur, avec lequel, après les salams et compliments de part et d’autre, il lia bientôt conversation. Or, c’était précisément le voleur Haram, qui avait pris le même chemin que l’associé qu’il ne connaissait pas. Et le premier dit au second : « Ô compagnon, tu parais bien fatigué ! » Et l’autre répondit : « Par Allah, j’ai fait aujourd’hui tout d’une traite la route du Caire ! Mais toi, compagnon, d’où viens-tu ? » Il répondit : « Du Caire également ! Et glorifié soit Allah qui met sur ma route un compagnon aussi agréable pour continuer le voyage. Car le Prophète — sur lui la prière et la paix ! — a dit : « Un compagnon est la meilleure provision de route ! » Mais, en