Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 12, trad Mardrus, 1903.djvu/133

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
les clefs du destin
127

ce qu’il disait. Mais, bien qu’il fût fort versé dans l’écriture et dans les sciences, il ne put déchiffrer un seul mot des caractères inconnus dont il était tracé. Et ni les vizirs ni les ulémas qui étaient présents ne réussirent guère davantage. Et le sultan fit venir, les uns après les autres, tous les savants renommés de l’Égypte, de la Syrie, de la Perse et des Indes ; mais aucun d’eux ne put seulement dire en quelle langue était écrit ce manuscrit. Car les savants ne sont d’ordinaire que de pauvres ignorants affublés de gros turbans, pour tout acquis.

Et le sultan Môhammad fît alors publier par tout l’empire, qu’il accorderait la plus grande des récompenses à celui qui pourrait seulement lui indiquer l’homme assez instruit pour déchiffrer les caractères inconnus.

Or, peu de temps après la publication de cet avis, un vieillard à turban blanc se présenta à l’audience du sultan, et dit, après avoir obtenu la permission de parler : « Qu’Allah prolonge la vie de notre maître le sultan ! L’esclave qui est entre tes mains est un ancien serviteur de ton père, le défunt sultan Theiloun, et vient aujourd’hui même de rentrer de l’exil auquel il avait été condamné ! Qu’Allah ait le défunt en sa compassion, qui m’a condamné à cette relégation ! Or, je me présente entre tes mains, ô notre maître souverain, pour te dire qu’un seul homme peut lire le manuscrit en peau de gazelle ! Et c’est son maître légitime le cheikh Hassân Abdallah, fils d’El-Aschar, qui, il y a quarante ans, a été jeté dans un cachot, par ordre du défunt sultan. Et Allah sait s’il y gémit encore ou s’il est mort ! »