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les mille nuits et une nuit

sentis enfin mes mâchoires se desserrer. Et, en invoquant et bénissant le nom d’Allah, je rejetai le fruit maudit avec les insectes sauveurs.

Alors, délivré de la sorte, mon premier soin fut de fouiller le sac aux provisions, et de palper l’outre qui contenait l’eau. Mais je constatai que mon maître les avait épuisés pendant les trois jours de mon supplice, et je me mis à pleurer, en l’accusant de mes souffrances. Mais, sans s’émouvoir, il me dit avec douceur : « Es-tu juste, Hassân Abdallah ? Et devais-je moi aussi me laisser mourir de faim et de soif ? Mets donc plutôt ta confiance en Allah et en Son Prophète, et lève-toi à la recherche d’une source où te désaltérer ! »

Et moi je me levai alors et me mis à chercher de l’eau ou quelque fruit qui me fût connu. Mais, en fait de fruits, il n’y avait là que l’espèce pernicieuse dont j’avais éprouvé les effets. Enfin, à force de recherches, je finis par découvrir, dans le creux d’un rocher, une petite source dont l’eau brillante et fraîche invitait à se désaltérer. Et je me mis à genoux, et j’en bus, et j’en bus, et j’en bus ! Et je m’arrêtai un instant, et j’en bus de nouveau.

Après quoi, un peu calmé, je consentis à me mettre en route, et suivis mon maître qui déjà s’était éloigné sur sa chamelle rouge. Mais ma monture n’avait pas fait cent pas, que je me sentis l’intérieur pris de coliques si violentes que je crus avoir tous les feux de l’enfer dans les entrailles. Et je me mis à crier : « Ô ma mère ! Ya Allah ! Ô ma mère ! » Et j’essayai, mais en vain, de modérer l’allure de ma chamelle, qui, à grandes enjambées, courait de toute