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les clefs du destin
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et me dit : « Regarde ce fruit, Hassân Abdallah ! Tu vois les insectes qui le rongent et le minent ! Eh bien ce sont ces insectes qui vont être le remède à ton mal. Mais il faut du calme et de la patience ! » Et il ajouta : « J’ai, en effet, calculé qu’en posant sur le fruit qui ferme ta bouche quelques-uns de ces insectes, ils se mettront à le ronger et, dans deux ou trois jours au plus, tu seras délivré ! » Et, comme c’était un homme d’expérience, je le laissai faire, tout en pensant : « Ya Allah ! trois jours et trois nuits d’un pareil supplice ! Ô ! que la mort est préférable ! » Et mon maître, s’étant assis près de moi, à l’ombre, fit ce qu’il avait dit, en posant sur le fruit maudit les insectes secourables.

Et, pendant que les insectes rongeurs commençaient leur œuvre, mon maître tira du sac à provisions des dattes et du pain sec, et se mit à manger. Et il s’interrompait de temps en temps, pour m’engager à la patience, me disant : « Tu vois, ya Hassân Abdallah, comme ta gourmandise m’arrête en chemin et retarde l’exécution de mes projets. Mais je suis sage et ne me tourmente pas outre mesure de ce contre-temps ! Fais comme moi ! » Et il s’arrangea pour dormir, et me conseilla d’en faire autant.

Mais moi, hélas ! je passai la nuit et le jour suivant dans la torture. Et, outre les douleurs de mes mâchoires et de mon pied, j’étais torturé par la soif et par la faim. Et le Bédouin, pour me consoler, m’assurait que le travail des insectes avançait. Et, de la sorte, il me fit prendre patience jusqu’au troisième jour. Et, au matin de ce troisième jour, je