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les mille nuits et une nuit

coin. Puis, comme la journée était écoulée et que l’heure de sa garde était passée, il était parti, sans songer à les remettre à leur place.

Aussi, quand le kâdi se fut baigné, les serviteurs du hammam, qui s’empressaient à ses ordres, cherchèrent en vain ses pantoufles ; et ils finirent par trouver, dans un coin, les fabuleuses babouches qu’ils reconnurent aussitôt pour celles d’Abou-Cassem. Et ils s’élancèrent à sa poursuite, et, l’ayant rattrapé, le ramenèrent au hammam, avec, sur ses épaules, le corps du délit. Et le kâdi, après avoir pris ce qui lui appartenait, lui fit rendre ses babouches, et, malgré ses protestations, l’envoya en prison. Et Abou-Cassem, pour ne pas mourir en prison, dut, bien à contre-cœur, se montrer généreux de bakchiches aux gardiens et aux officiers de police ; car, comme on savait qu’il était aussi farci d’argent que pourri d’avarice, on ne l’en tint pas quitte à bon marché.

Et Abou-Cassem put, de la sorte, sortir de prison ; mais affligé et dépité à l’extrême, et, attribuant son malheur à ses babouches, il courut les jeter au Nil, pour s’en débarrasser.

Or, quelques jours après, des pêcheurs, retirant à grand’peine leur filet plus lourd que de coutume, y trouvèrent les babouches, qu’ils reconnurent aussitôt pour celles d’Abou-Cassem. Et ils constatèrent, pleins de fureur, que les clous dont elles étaient garnies, avaient endommagé les mailles de leur filet. Et ils coururent à la boutique d’Abou-Cassem, et jetèrent violemment les babouches à l’intérieur, en maudissant leur propriétaire. Et les babouches, lan-