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les mille nuits et une nuit

est silencieuse, la brise est fraîche et la clarté de la lune invite à la promenade. Tu feras donc bien de sortir prendre l’air et regarder la face du monde, pendant que les gens ne circulent pas et ne peuvent te déranger dans ton plaisir et ton faste solitaire ! » Et, pensant ainsi, le pêcheur sortit de sa maison, et dirigea sa promenade du côté de la rivière. Or, c’était le quatorzième jour de la lune, et la nuit en était toute illuminée. Et le pêcheur, voyant sur le pavé la réflexion du disque argenté, prit cet éclat de la lune pour de l’eau, et son extravagante imagination lui dit : « Par Allah, ô pêcheur un tel, te voici arrivé sur le bord de la rivière, et aucun autre pêcheur que toi ne se trouve sur la berge. Tu feras donc bien de retourner vite prendre ta ligne et de revenir te mettre à pêcher ce que te donnera ta chance de cette nuit ! » Ainsi il pensa, dans sa folie, et ainsi il fit. Et, ayant apporté sa ligne, il vint s’asseoir sur une borne, et se mit à pêcher au milieu du clair de lune, jetant le fil hameçonné sur la nappe blanche réfléchie par le pavé.

Or, voici qu’un énorme chien, attiré par, l’odeur des viandes qui servaient d’appât, vint se jeter sur la ligne et l’avala. Et le hameçon s’arrêta dans son gosier et lui occasionna une telle gêne, qu’il se mit à donner des secousses désespérées sur le fil pour parvenir à se détacher. Et le pêcheur, qui croyait amener un poisson monstrueux, tirait tant qu’il pouvait ; et le chien, dont la souffrance devenait insupportable, tirait de son côté en poussant des hurlements de travers ; si bien que le pêcheur, ne voulant pas laisser échapper sa proie, finit par être