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le diwân des facéties… (père-au-pet)
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aux gens que sa table était somptueuse et que des mets équivalaient en bonté et en quantité à la beauté de la nappe à franges d’or. Mais jamais personne n’avait été invité à l’un de ces repas servis sur la nappe splendide ; et personne n’ignorait, par contre, la vérité sur l’avarice sordide du kâdi. Si bien que l’on disait communément, quand on avait mal mangé à un festin : « Il était servi sur la nappe du kâdi ! » Et ainsi cet homme, qu’Allah avait doté de richesses et d’honneurs, vivait d’une vie dont ne se seraient pas contentés les chiens de la rue. Qu’il soit à jamais confondu !

Or, un jour, quelques personnes qui voulaient se le rendre favorable dans un jugement, lui dirent : « Ô notre maître le kâdi, pourquoi ne prends-tu pas épouse ? Car la vieille négresse que tu as dans ta maison n’est pas digne de tes mérites ! » Et il répondit : « Est-il quelqu’un de vous qui veuille me trouver une femme ? » Et l’un des assistants répondit : « Ô notre maître, j’ai une fille très belle, et tu honorerais ton esclave si tu voulais la prendre pour épouse. » Et le kâdi accepta l’offre ; et on célébra promptement le mariage ; et la jeune fille fut conduite le soir même dans la maison de son époux. Et l’adolescente était fort étonnée qu’on ne lui préparât point de repas, et qu’il n’en fût pas même question ; mais, comme elle était discrète et avait beaucoup de réserve, elle ne fit aucune réclamation, et, voulant se conformer aux usages de son époux, elle essaya de se distraire. Quant aux témoins du mariage et aux invités, ils présumaient que cette union du kâdi allait donner lieu à quelque fête ou