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HISTOIRE DU KÂDI PÈRE-AU-PET


On raconte qu’il y avait dans la ville de Trablous de Syrie, du temps du khalifat Haroun al-Rachid, un kâdi qui exerçait les fonctions de sa charge avec une sévérité et une rigueur extrêmes. Et cela était notoire parmi les hommes.

Or, ce kâdi de malheur avait, pour le servir, une vieille négresse à la peau rude et épaisse comme le cuir d’un buffle du Nil. Et c’était tout ce qu’il possédait comme femme dans son harem. Qu’Allah le repousse de Sa miséricorde ! Car ce kâdi était d’une ladrerie extrême qui ne pouvait être égalée que par sa rigueur dans les jugements qu’il rendait. Qu’Allah le maudisse ! Et bien qu’il fût riche, il ne vivait que de pain rassis et d’oignons. Et, avec cela, il était plein d’ostentation, et avait l’avarice honteuse ; car il voulait toujours faire preuve de faste et de générosité, alors qu’il vivait avec la parcimonie d’un chamelier à bout de provisions. Et, pour faire croire à un luxe que sa maison ignorait, il avait l’habitude de couvrir le tabouret des repas d’une nappe garnie de franges d’or. Et, de la sorte, lorsque quelqu’un, par hasard, entrait pour affaire à l’heure des repas, le kâdi ne manquait pas d’appeler sa négresse et de lui dire à haute voix : « Mets la nappe à franges d’or ! » Et il pensait ainsi donner à croire