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les mille nuits et une nuit

client qui lui proposa sa fille en mariage. Et il épousa la jeune fille, qui fut servie de la même manière, et qui, n’ayant pu endurer au delà de trois jours le régime des oignons, se révolta et fut également répudiée. Mais cela ne servit pas de leçon aux autres personnes ; car le kâdi trouva encore plusieurs jeunes filles à marier, et les épousa successivement, pour les répudier au bout d’un jour ou deux, à cause de leur rébellion contre le pain bis et les oignons.

Mais, quand les divorces se furent multipliés d’une façon si exagérée, le bruit de la ladrerie du kâdi arriva aux oreilles qui n’avaient pas jusque-là entendu, et sa conduite à l’égard de ses femmes devint le sujet de toutes les conversations dans les harems. Et il perdit tous les crédits possibles auprès des entremetteuses, et cessa tout à fait d’être mariable.

Or, un soir, le kâdi, tourmenté par l’héritage de son père, vu qu’aucune femme n’en voulait plus, se promenait hors de la ville, quand il vit venir une dame montée sur une mule couleur étourneau. Et il fut frappé par sa tournure élégante et ses riches vêtements. Aussi, ayant relevé le bout de ses moustaches, il s’avança vers elle avec une galante courtoisie, lui fit une profonde révérence et, après les salams, lui dit : « Ô toi, noble dame, d’où viens-tu ? » Elle répondit : « De la route qui est derrière moi ! » Et le kâdi sourit et dit : « Oui certes ! oui certes ! je sais cela, mais de quelle ville ? » Elle répondit : « De Mossoul ! » Il demanda : « Es-tu célibataire ou mariée ? » Elle dit : « Je suis encore célibataire. » Il demanda : « Veux-tu, en ce cas, me