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les mille nuits et une nuit

accomplis, le kâdi poussa sa folie et son aveuglement jusqu’à montrer un jour l’adolescent, par la croisée, à sa jeune épouse. Et, comme il était beau et aimable, l’adolescente aima l’adolescent. Et, comme deux cœurs qui se cherchent finissent toujours par se trouver et s’unir, malgré tous les obstacles, les deux jeunes gens purent tromper la vigilance du kâdi et endormir sa jalousie en éveil. Et la jouvencelle aima le jouvenceau plus que la prunelle de ses yeux, et, lui donnant son âme, elle s’abandonna à lui de tout son corps. Et le jeune scribe le lui rendit bien, et lui fit éprouver ce que le vieux kâdi n’avait jamais réussi à produire. Et tous deux vécurent de la sorte à la limite du bonheur, se voyant fréquemment, et s’aimant tous les jours davantage. Et le kâdi se montrait satisfait de voir son épouse devenir encore plus belle de jeunesse, de santé et de fraîcheur. Et tout le monde était heureux à sa manière.

Or l’adolescente, pour pouvoir se rencontrer en toute sécurité avec son amoureux, avait convenu avec lui que si le mouchoir qui pendait à la fenêtre qui avait vue sur le jardin, était blanc, il pouvait, entrer lui tenir compagnie, mais si le mouchoir était rouge, il devait s’abstenir et s’en aller, car ce signal devait signifier que le kâdi était à la maison.

Mais le destin voulut qu’un jour, comme elle venait de déployer le mouchoir blanc, après le départ du kâdi pour le diwân, elle entendit des coups précipités à la porte et des cris ; et elle vit bientôt entrer son mari, appuyé sur les bras des eunuques, et bien jaune, et bien changé de teint et d’aspect. Et les eunuques lui expliquèrent que le kâdi avait été pris,