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le diwân des facéties… (le kâdi avisé)
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répondit : « Ouallah ! au moment où je la mettais au four, elle a poussé un cri strident, et s’est envolée ! » Et l’homme qui, en réalité, était loin d’être un plaisant compagnon, entra en fureur, persuadé que le fournier voulait se moquer de lui, et s’écria : « Comment oses-tu rire sur ma barbe, ô rien du tout ? » Et de paroles en paroles, et d’injures en injures, les deux hommes en vinrent aux coups. Et la foule ne tarda pas à se rassembler au dehors, en entendant les cris, et à envahir bientôt le four. Et on se disait les uns aux autres : « Le hagg Moustapha se bat avec un homme à cause de la résurrection d’une oie farcie ! » Et la plupart prenaient fait et cause pour le maître du four, dont la bonne foi et l’honnêteté leur étaient connues depuis longtemps, tandis que quelques-uns seulement se permettaient d’émettre quelque doute sur cette résurrection-là.

Or, parmi les gens qui se pressaient de la sorte autour des deux hommes qui se battaient, se trouvait une femme enceinte que la curiosité avait poussée au premier rang. Mais ce fut pour sa malechance, car au moment où le fournier se reculait pour mieux atteindre son adversaire, elle reçut en plein ventre le coup terrible qui était destiné à tout autre qu’à elle. Et elle tomba sur le sol, en poussant un cri de poule violentée et avorta à l’heure et à l’instant.

Or, l’époux de la femme en question, qui demeurait dans une boutique de fruitier du voisinage, fut aussitôt prévenu, et accourut avec un énorme gourdin, et en criant : « Je vais enculer le fournier et le père du fournier et son grand-père, et déraciner son