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les mille nuits et une nuit

existence ! » Et le fournier, déjà exténué de sa première lutte, et voyant arriver sur lui cet homme furieux et armé d’un terrible gourdin, ne put tenir plus longtemps, et livra ses jambes au vent, en se sauvant dans la cour. Et, voyant qu’il était poursuivi, il escalada un pan de mur, grimpa sur une terrasse voisine, et de là se laissa choir à terre. Et la destinée voulut qu’il tombât précisément sur un Maghrébin qui dormait, au bas de la maison, roulé dans ses couvertures. Et le fournier, qui tombait de haut et était fort pesant, lui défonça toutes les côtes. Et le Maghrébin, sans hésiter, expira du coup. Et tous ses proches, les autres Maghrébins du souk, accoururent et arrêtèrent le fournier, en le rouant de coups, et se disposèrent à le traîner devant le kâdi. Et, de son côté, le porteur de l’oie, voyant le fournier arrêté, se hâta de se joindre aux Maghrébins. Et, au milieu des cris et des vociférations, tout ce monde prit la route du diwân de justice.

Or, à ce moment, le domestique du kâdi, mangeur de l’oie, qui, mêlé à la foule, était revenu voir ce qui se passait, dit à tous les plaignants : « Suivez-moi, ô braves gens ! je vais vous montrer la route ! » Et il les conduisit chez son maître.

Et le kâdi, avec un air grave, commença par faire payer une double taxe à tous les plaignants. Puis il se tourna vers l’accusé, contre lequel tous les doigts étaient dirigés, et lui dit : « Qu’as-tu à répondre au sujet de l’oie, ô fournier ? » Et le bonhomme comprenant qu’il valait mieux, dans le cas présent, à cause de l’esclave du kâdi, maintenir sa première affirmation, répondit : « Par Allah, ô notre maître