Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 12, trad Mardrus, 1903.djvu/267

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
le diwân des facéties… (le jugement…)
261

cou, en me disant : « Je l’emmène ! Car je ne veux pas que mon veau se pervertisse en jouant avec cette misérable petite pouliche, fille de ta vache et sa postérité ! » Et il se tourna vers mon veau et lui dit : « Viens, ô fils de ma jument et sa descendance ! » Et, malgré mes cris d’étonnement et mes protestations, il emmena mon veau, me laissant la misérable petite pouliche qui est là, en bas, avec sa mère, et me menaçant de m’assommer si je tentais de reprendre ce qui est mon bien et ma propriété devant Allah qui nous voit, et devant les hommes ! »

Alors le nouveau grand-vizir, qui était le pêcheur mangeur de haschisch, se tourna vers l’autre plaideur et lui dit : « Et toi, ô homme, qu’as-tu à dire au sujet des paroles que tu viens d’entendre ? » Et l’homme répondit : « Ô mon seigneur, il est notoire, en vérité, que le veau est le produit de ma jument, et que la pouliche est la descendance de la vache de cet homme ! » Et le vizir dit : « Est-il donc bien certain que maintenant les vaches peuvent mettre bas des pouliches, et que les chevaux peuvent enfanter des veaux ? Car c’est là une chose qui jusqu’aujourd’hui ne pouvait guère être admise par un homme doué de bon sens ! » Et l’homme répondit : « Ô mon seigneur, ne sais-tu que rien n’est impossible à Allah qui créé ce qu’Il veut et sème où Il veut, et que la créature n’a qu’à s’incliner, à le louer et à le glorifier ? » Et le vizir dit : « Certes ! certes ! tu dis vrai, ô homme, rien n’est impossible à la puissance du Très-Haut, qui peut faire descendre les veaux des juments, et les poulains des vaches ! » Puis il ajouta : « Mais, avant de te laisser le