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les mille nuits et une nuit

et ne vous donne pas le temps de recourir aux conseils de la raison. Mais, ô mon père, tu n’as sans doute pas oublié qu’en tirant ma flèche, lors du concours avec mes frères dans le meidân, il m’arriva cette chose extraordinaire et inexplicable que ma flèche, tirée dans une plaine unie et dégagée, devant toi et devant les autres assistants, ne put être retrouvée, malgré toutes les recherches. Or, moi, vaincu de la sorte par la destinée contraire, je ne voulus point perdre le temps en plaintes, avant d’avoir complètement satisfait mon esprit inquiet sur cette aventure que je ne comprenais pas. Et je m’éloignai, pendant les cérémonies des noces de mon frère, sans que personne s’en fût aperçu, et je retournai seul au meidân pour essayer de retrouver ma flèche. Et je me mis à la chercher en marchant en ligne droite, dans la direction présumée qu’elle avait dû suivre, et en regardant de tous côtés, en deçà et au delà, à ma droite et à ma gauche. Mais toutes mes recherches furent inutiles, sans toutefois me rebuter. Et je poursuivis ma marche en avant, toujours en jetant les yeux de côté et d’autre, et en prenant la peine de reconnaître et d’examiner la moindre chose qui de près ou de loin pouvait ressembler à une flèche. Et je parcourus de la sorte une très longue distance, et je finis par réfléchir qu’il n’était pas possible qu’une flèche, fût-elle lancée par un bras mille fois plus fort que le mien, pût arriver si loin, et par me demander si j’avais perdu, en même temps que ma flèche, tout mon bon sens. Et déjà je me disposais à abandonner mon entreprise, surtout en me voyant arrivé à une ligne de rochers qui bar-