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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/136

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les mille nuits et une nuit

plus ! Ne ferais-tu pas mieux plutôt, moyennant cet argent, d’acheter ce singe à son maître, pour te faire montreur de singe, et gagner sûrement ton pain journalier, au lieu de continuer à mener cette vie de mendicité à la porte d’Allah ? »

Et, ayant ainsi pensé, je profitai d’un moment où la foule s’était éclaircie pour m’approcher du propriétaire du singe, et je lui dis : « Veux-tu me vendre ce singe avec sa chaîne, pour trois drachmes d’argent ! » Et il me répondit : « Il m’a coûté à moi dix drachmes sonnants, mais, pour toi, je te le laisserai à huit ! » Je dis : « Quatre ! » Il dit : « Sept ! » Je dis : « Quatre et demi ! » Il dit : « Le dernier mot, cinq ! Et prie sur le Prophète ! » Et je répondis : « Sur Lui les bénédictions, la prière et la paix d’Allah ! J’accepte le marché, et voici les cinq drachmes ! » Et, desserrant mes doigts qui tenaient les cinq drachmes enfermés dans le creux de ma main plus sûrement que dans une cassette d’acier, je lui remis la somme qui était tout mon avoir et tout mon capital, et, en retour, je pris le jeune gros singe, et je l’emmenai par le bout de sa chaîne.

Mais alors je réfléchis que je n’avais ni domicile ni réduit pour l’abriter, et que je ne pouvais songer à le faire entrer avec moi dans la cour de la mosquée où j’habitais en plein air, car j’en eusse été chassé par le gardien avec force injures à mon adresse et à l’adresse de mon singe. Et alors je me dirigeai vers une vieille maison en ruines, qui n’avait plus que trois murs debout, et je m’y installai pour passer la nuit avec mon singe. Et la faim commençait à me torturer cruellement, et sur cette faim venait s’ajouter l’envie