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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/152

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les mille nuits et une nuit

Et le nouveau grand-vizir tint diwân le jour même, et continua ainsi les jours suivants, s’acquittant des devoirs de sa charge avec un tel esprit de justice et d’impartialité, que les gens, avertis de ce nouvel état de choses, venaient du fond du pays pour réclamer ses arrêts et s’en rapporter à ses décisions, le prenant pour juge suprême dans leurs différends. Et il mettait tant de sagesse et de modération dans ses jugements, qu’il obtenait la gratitude et l’approbation de ceux mêmes contre lesquels ses sentences étaient prononcées. Quant à ses moments de loisir, il les passait dans l’intimité du sultan, dont il était devenu le compagnon inséparable et l’ami à toute épreuve.

Or, un jour, le sultan Mahmoud, se sentant l’esprit déprimé, se hâta d’aller trouver son ami, et lui dit : « Ô mon frère et mon vizir, mon cœur d’aujourd’hui est lourd en moi, et mon esprit déprimé. » Et le vizir, qui était l’ancien sultan d’Arabie, répondit : « Ô roi du temps, les joies et les peines sont en nous, et c’est notre propre cœur qui les sécrète. Mais souvent la vue des choses extérieures peut influer sur notre humeur. As-tu essayé sur tes yeux la vue des choses extérieures, aujourd’hui ? » Et le sultan répondit : « Ô mon vizir, j’ai essayé sur mes yeux d’aujourd’hui la vue des pierreries de mon trésor, et je les ai prises les unes après les autres entre mes doigts, les rubis, les émeraudes, les saphirs et les gemmes de toutes les séries de couleurs ; mais elles ne m’ont point incité au plaisir, et mon âme est restée mélancolique et mon cœur rétréci. Et je suis entré ensuite dans mon harem, et j’ai passé en revue