Aller au contenu

Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/169

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
histoire de l’adultérin… (premier fou)
161

écarlate, comme en portent les rois dans les heures de leur courroux. Et sa contenance était agressive, et son visage vêtu de pâleur. Et, à cette vue, je dis en moi-même : « Ô Conservateur, sauvegarde-moi ! » Et, ne sachant à quoi attribuer cette attitude ennemie, je m’approchai de mon épouse, qui, contrairement à son habitude, ne s’était pas levée pour me recevoir, et détournait sa tête de mon visage ; et, lui offrant le coq d’or que je venais d’acquérir, je lui dis : « Ô ma maîtresse, accepte ce précieux coq qui est un objet vraiment admirable, et qui est curieux à regarder ; car je l’ai acheté pour te faire plaisir. » Mais, à ces mots, son front noircit, et ses yeux s’enténébrèrent, et, avant que j’eusse le temps de me garer, je reçus un soufflet tournoyant qui me fit virer comme une toupie et faillit me fracasser la mâchoire gauche. Et elle me cria : « Ô chien fils de chien, si réellement tu l’as acheté, ce coq, alors pourquoi cette morsure qui est sur ta joue ? »

Et moi, déjà anéanti par la secousse du violent soufflet, je me sentis m’en aller vers l’effondrement, et je dus faire sur moi-même de grands efforts pour ne pas tomber tout de mon long. Mais ce n’était que le commencement, ô mon seigneur, ce n’était, hélas ! que le tout premier commencement. Car, à un signe de mon épouse, je vis soudain s’ouvrir les draperies du fond et entrer quatre esclaves, conduites par la vieille. Et elles portaient le corps d’une jeune fille dont la tête était coupée et posée sur le milieu de son corps. Et je reconnus à l’instant cette tête pour celle de la jeune fille qui m’avait donné le bijou en échange d’une morsure. Et cette vue acheva de me