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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/176

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les mille nuits et une nuit

sein, avec des précautions infinies, et en regardant prudemment de droite et de gauche avec ses yeux de négresse, un petit billet qu’elle me tendit, en disant : « Ceci est de la part de ma maîtresse. Et elle attend la faveur d’une réponse. » Et, m’ayant remis le papier, elle se tint à l’écart, attendant mon bon plaisir.

Et moi, après avoir déplié le billet, je le lus, et trouvai qu’il contenait une ode écrite en vers enflammés à ma louange et en mon honneur. Et les vers terminaux contenaient dans leur trame le nom de celle qui se disait mon amoureuse.

Alors moi, ô mon seigneur le sultan, je fus extrêmement formalisé de cette démarche, et je considérai que c’était une atteinte grave à ma bonne conduite, ou peut-être quelque tentative pour m’entraîner dans une aventure dangereuse ou compliquée. Et je pris cette déclaration, et la déchirai, et la foulai aux pieds. Puis je m’avançai vers la petite négresse, et la saisis par une oreille, et lui administrai quelques soufflets et quelques claques bien senties. Et j’achevai la correction en lui envoyant un coup de pied qui la fit rouler hors de ma boutique. Et je lui crachai au visage, bien ostensiblement, afin que tous mes voisins vissent mon acte et ne pussent douter de ma sagesse et de ma vertu, et je lui criai : « Ah ! fille des mille cornards de l’impudicité, va rapporter tout cela à la fille des entremetteurs, ta maîtresse ! » Et tous mes voisins, ayant vu cela, murmurèrent entre eux d’admiration ; et l’un d’eux me montra du doigt à son fils, en lui disant : « La bénédiction d’Allah sur la tête de ce jeune homme vertueux ! Puisses-tu, ô mon fils, savoir, à son âge, repousser les offres des