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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/186

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les mille nuits et une nuit

manquai pas de m’envoler vers la résidence du Cheikh al-Islam, auquel je demandai une audience, en lui faisant dire que c’était pour une affaire urgente d’une extrême importance. Et il me reçut, sans retard, et me rendit mon salam avec considération, et me pria de m’asseoir. Et je remarquai que c’était un vieillard à l’aspect vénérable, à la barbe blanche immaculée et à l’attitude pleine de noblesse et de grandeur, mais qu’il avait, sur son visage et dans ses yeux, un air de tristesse sans espoir et de douleur sans remède. Et je pensai : « C’est bien ça ! Il a l’hallucination de la laideur. Puisse Allah le guérir ! » Puis, m’étant assis à la seconde invitation seulement, par respect et déférence pour son âge et sa haute dignité, je lui fis de nouveau mes salams et compliments, et je les réitérai une troisième fois, en me levant chaque fois. Et, ayant montré de la sorte ma politesse et mon savoir-vivre, je me rassis, mais en me tenant sur le bord extrême de la chaise, et j’attendis qu’il ouvrît, le premier, la conversation, et m’interrogeât sur le fond de l’affaire.

Et, effectivement, après que l’agha de service nous eut offert les rafraîchissements d’usage, et que le Cheikh al-Islam eut échangé avec moi quelques paroles sans importance sur la chaleur et la sécheresse, il me dit : « Ô marchand un tel, en quoi puis-je te satisfaire ? » Et je répondis : « Ô mon seigneur, je me suis présenté entre tes mains pour t’implorer et te solliciter au sujet de la dame celée derrière le rideau de chasteté de ton honorable maison, de la perle scellée du sceau de la conservation, et de la fleur cachée dans le calice de la modestie, ta fille sublime,