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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/293

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histoire d’ali baba…
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pour aller elle-même en toute diligence rendre la mesure à l’impatiente épouse de Kassim. Et elle ne savait pas, la pauvre ! qu’un dinar d’or s’était attaché au-dessous de la mesure, grâce au suif de la perfidie.

Elle remit donc la mesure à sa riche parente, la vendue de l’entremetteuse, et la remercia beaucoup et lui dit : « J’ai voulu être exacte avec toi, ô ma maîtresse, afin qu’une autre fois ta bonté ne se décourage pas à mon égard. » Et elle s’en alla en sa voie. Et voilà pour l’épouse d’Ali Baba !

Quant à l’épouse de Kassim, la rouée, elle n’attendit que le dos tourné de sa parente pour retourner la mesure en bois, et en regarder le dessous. Et elle fut à la limite de la stupéfaction en voyant une pièce d’or collée dans le suif, au lieu de quelque grain de fève, d’orge ou d’avoine. Et de safran devint la peau de son visage et de bitume très foncé la couleur de ses yeux. Et pétri de jalousie et de dévorante envie devint son cœur. Et elle s’écria : « La destruction sur leur demeure ! Depuis quand ces misérables ont-ils comme ça de l’or par poids et par mesures ? » Et dans la fureur inexprimable où elle était, elle ne put attendre que son époux fût rentré de sa boutique ; mais elle envoya sa servante le chercher en toute hâte. Et dès que l’essoufflé Kassim eut franchi le seuil de la maison, elle l’accueillit par des exclamations furibondes, tout comme si elle l’avait surpris en train de triturer quelque jeune garçon.

Puis, sans lui laisser le temps de se reconnaître sous cette tempête, elle lui mit sous le nez le dinar d’or en question, et lui cria : « Tu le vois ! Eh bien, ce n’est que le reste de ces misérables ! Ah, tu te crois