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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/292

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les mille nuits et une nuit

qu’en d’autres circonstances elle lui eût, sans aucun doute, tout refusé, sous n’importe quel prétexte, elle se sentit, cette fois, trop allumée de curiosité pour laisser échapper cette occasion de se satisfaire. Elle lui dit donc : « Qu’Allah augmente sur vos têtes ses faveurs ! Mais cette mesure, ô mère d’Ahmad, la veux-tu grande ou petite ? » Elle répondit : « Plutôt petite, ô ma maîtresse ! » Et l’épouse de Kassim alla chercher la mesure en question.

Or, ce n’était point en vain que cette femme était un produit de vente d’entremise — qu’Allah refuse ses grâces aux produits de cette espèce, et qu’il confonde toutes les rouées ! — car, voulant à tout prix savoir quelle sorte de grain sa parente pauvre voulait mesurer, elle s’avisa d’une supercherie comme en ont toujours entre leurs doigts les filles de putains. Elle courut, en effet, prendre du suif, et en enduisit adroitement le fond de la mesure, en-dessous, du côté où se pose cet ustensile. Puis elle revint auprès de sa parente, en s’excusant de l’avoir fait attendre, et lui remit la mesure. Et la femme d’Ali Baba se confondit en remerciements, et se hâta de revenir chez elle.

Et elle commença par poser la mesure au milieu du tas d’or. Et elle se mit à l’emplir et à la vider un peu plus loin, en marquant sur le mur, avec un morceau de charbon, autant de traits noirs qu’elle l’avait vidée de fois. Et comme elle venait d’achever son travail, Ali Baba rentra, ayant fini, de son côté, de creuser la fosse dans la cuisine. Et son épouse lui montra sur le mur les traits au charbon, en exultant de joie, et lui laissa le soin d’enfouir tout l’or,