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histoire d’ali baba…
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ouvre-toi ! — Blé, ouvre-toi ! — Riz, ouvre-toi ! — Vesce, ouvre-toi ! »

Mais la porte de granit resta close. Et Kassim, à la limite de l’épouvante en s’apercevant qu’il restait enfermé pour avoir perdu la formule, se mit à débiter, devant le rocher impassible, tous les noms des céréales et des différentes variétés de grains que la main du Semeur lança sur la surface des champs, à l’enfance du monde. Mais le granit resta inébranlable. Car l’indigne frère d’Ali Baba n’oublia, parmi tous les grains, qu’un seul grain, celui-là même auquel étaient attachées les vertus magiques, le mystérieux sésame.

Or, c’est ainsi que tôt ou tard, et souvent plus tôt que plus tard, le destin aveugle la mémoire des méchants, leur dérobe toute clarté, et leur enlève la vue et l’ouïe, de par l’ordre du Puissant sans bornes. Car le Prophète — sur Lui les bénédictions et le plus choisi des salams ! — a dit, parlant des méchants : « Allah leur retirera le don de Sa clarté et les laissera tâtonner dans les ténèbres. Alors, aveugles, sourds et muets, ils ne pourront plus revenir sur leurs pas ! » Et ailleurs l’Envoyé — qu’Allah l’ait en Ses meilleures grâces ! — a dit de ceux-là : « À jamais leurs cœurs et leurs oreilles ont été fermés avec le sceau d’Allah, et leurs yeux voilés d’un bandeau. Pour eux est réservé un supplice épouvantable ! »

Donc, lorsque le méchant Kassim, qui ne s’attendait pas du tout à ce désastreux événement, eut vu qu’il ne possédait plus la formule vertueuse, il se mit, pour la retrouver, à se secouer la cervelle dans tous les sens, mais bien inutilement, car à tout ja-