Aller au contenu

Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/312

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
304
les mille nuits et une nuit

de temps, après avoir fait périr l’un, nous fassions périr l’autre. Cela établi, il n’y a qu’un moyen pour arriver au but, et c’est que quelqu’un de hardi à la fois et d’adroit, aille à la ville déguisé en derviche étranger, qu’il use de tout son savoir-faire pour découvrir s’il n’est pas question de celui que nous avons coupé en six quartiers, et qu’il sache en quelle maison demeurait cet homme-là. Mais toutes ces recherches devront être faites avec la plus grande circonspection, car un mot de trop pourrait compromettre l’affaire et nous perdre sans recours. Aussi j’estime que celui qui assumera cette tâche doit s’engager à subir la peine de mort s’il fait preuve de légèreté dans l’accomplissement de sa mission ! » Et aussitôt l’un des voleurs s’écria : « Je m’offre pour l’entreprise et j’accepte les conditions ! » Et le chef et les camarades le félicitèrent et le comblèrent d’éloges. Et il partit déguisé en derviche.

Or, il entra dans la ville, et toutes les maisons et boutiques étaient encore closes, à cause de l’heure matinale, excepté la boutique de cheikh Mustapha, le savetier. Et cheikh Mustapha, l’alène à la main, était déjà en train de confectionner une babouche en cuir safran. Et il leva les yeux et vit le derviche qui le regardait travailler, en l’admirant, et qui se hâta de lui souhaiter le salam. Et cheikh Mustapha lui rendit son salam, et le derviche s’émerveilla de lui voir, à son âge, de si bons yeux et les doigts si experts. Et le vieux, fort flatté, se rengorgea et répondit : « Par Allah, ô derviche, je puis encore enfiler l’aiguille du premier coup, et je puis même coudre les six quartiers d’un mort au fond d’une cave sans