Aller au contenu

Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
les deux vies du sultan mahmoud
43

MAIS LORSQUE FUT
LA HUIT CENT VINGTIÈME NUIT

Elle dit :

… et aussitôt le grand-vizir introduisit dans la salle du trône le cheikh étranger.

Et certes ! l’homme qui entra était plutôt l’ombre d’un homme qu’une créature vivante d’entre les créatures. Et, si un âge pouvait lui être donné, il eût fallu calculer par centaines d’années. Pour tout vêtement, une barbe prodigieuse flottait sur sa grave nudité, tandis qu’une large ceinture en cuir souple mettait une barre unie autour des vieux reins parcheminés. Et on l’eût pris pour quelque très ancien corps semblable à ceux que retiraient parfois des sépultures granitiques les laboureurs d’Égypte, si, dans la face, au-dessous des sourcils terribles, n’eussent brûlé deux yeux où vivait l’intelligence.

Et le pur vieillard, sans s’incliner devant le sultan, dit d’une voix sourde qui n’avait rien des voix de la terre : « La paix sur toi, sultan Mahmoud ! Je suis envoyé vers toi par mes frères, les santons de l’extrême Occident. Je viens te rendre conscient des bienfaits du Rétributeur sur ta tête ! »

Et, sans un geste, il s’avança vers le roi d’un pas solennel et, le prenant par la main, il l’obligea à se lever et à l’accompagner jusqu’à l’une des fenêtres de la salle du trône.