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les mille nuits et une nuit

Or, cette salle du trône avait quatre fenêtres, et chacune de ces fenêtres était sur la ligne d’un point astronomique. » Et le vieux cheikh dit au sultan : « Ouvre la fenêtre ! » Et le sultan obéit comme un enfant, et ouvrit la première fenêtre. Et le vieux cheikh lui dit simplement : « Regarde ! »

Et sultan Mahmoud mit la tête à la fenêtre et vit une immense armée de cavaliers qui, l’épée nue, se précipitaient, à toute bride, des hauteurs de la citadelle du mont Makattam. Et les premières colonnes de cette armée, arrivées déjà au pied même du palais, avaient mis pied à terre et commençaient à en escalader les murailles, en poussant des clameurs de guerre et de mort. Et le sultan, à cette vue, comprit que ses troupes s’étaient mutinées et venaient le détrôner. Et, devenu bien changé de teint, il s’écria : « Il n’y a de dieu qu’Allah ! Voici l’heure de ma destinée ! »

Aussitôt le cheikh referma la fenêtre, mais pour la rouvrir lui-même l’instant d’après. Et toute l’armée avait disparu. Et seule la citadelle s’élevait pacifiquement dans le loin, trouant de ses minarets le ciel de midi.

Alors le cheikh, sans donner le temps au roi de revenir de sa profonde émotion, le conduisit à la seconde fenêtre qui plongeait sur la ville immense, et lui dit : « Ouvre-la, et regarde ! » Et sultan Mahmoud ouvrit la fenêtre, et le spectacle qui s’offrit à sa vue le fit reculer d’horreur. Les quatre cents minarets qui dominaient les mosquées, les coupoles des mosquées, les dômes des palais, et les terrasses qui s’étageaient par milliers jusqu’aux confins de