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les mille nuits et une nuit

Et sultan Mahmoud se vit au milieu de la salle du trône de son palais, ayant à sa droite son grand-vizir et à sa gauche le cheikh étranger. Et devant lui une de ses favorites lui présentait, sur un plateau d’or, une coupe de sorbet qu’il avait demandée quelques instants avant l’entrée du cheikh. Hé, là ! hé, là ! il est donc le sultan ! il est donc le sultan ! Et toute cette funeste aventure n’avait duré que le temps de plonger sa tête dans le bassin et de la retirer ! Et il ne pouvait arriver à croire à un pareil prodige ! Et il se mit à regarder autour de lui, en se tâtant et en se frottant les yeux. Hé, là ! hé, là ! Il était bel et bien le sultan, le sultan Mahmoud lui-même, et non point le pauvre naufragé, ni le portefaix, ni l’âne du moulin, ni l’époux de la redoutable antiquité ! Hé, par Allah ! qu’il était bon de se retrouver sultan après ces tribulations ! Et, comme il ouvrait la bouche pour demander l’explication d’un si étrange phénomène, la voix sourde du pur vieillard s’éleva, qui lui disait :

« Sultan Mahmoud, je suis venu vers toi, envoyé par mes frères les santons de l’extrême Occident, pour te rendre conscient des bienfaits du Rétributeur sur ta tête ! »

Et, ayant ainsi parlé, le cheikh maghrébin disparut, sans que l’on sût s’il était sorti par la porte ou s’il s’était envolé par les fenêtres.

Et sultan Mahmoud, quand son émotion fut calmée, comprit la leçon de son Seigneur. Et il comprit que sa vie était belle, et qu’il aurait pu être le plus malheureux des hommes. Et il comprit que tous les malheurs qu’il avait entrevus, sous le regard domi-