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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/59

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les deux vies du sultan mahmoud
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dernière. » Et elle continua son chemin. Et voici sortir du hammam une vieille d’une laideur effroyable. Et sultan Mahmoud frémit d’horreur à sa vue, et pensa : « Certes ! j’aime mieux mourir de faim et redevenir âne ou portefaix que d’épouser cette vieille antiquité ! Mais puisque le vieux marchand m’a dit de poser la question à toutes les femmes, il faut bien que je me décide à interroger la calamiteuse ! » Et il l’aborda et lui dit, en détournant la tête : « Es-tu mariée ou célibataire ? » Et l’effrayante vieille répondit, en bavant : « Je suis mariée, ô mon cœur ! » Ah ! quel soulagement ! Et il dit : « J’en suis bien aise, ô ma tante ! » Et il pensa : « Qu’Allah ait en Sa miséricorde le malheureux étranger qui m’a précédé ! » Et la vieille continua son chemin, et voici sortir du hammam une antiquité bien plus dégoûtante que la précédente et bien plus horrible. Et sultan Mahmoud s’approcha d’elle en tremblant, et lui demanda : « Es-tu mariée ou célibataire ? » Et elle répondit, en se mouchant dans ses doigts : « Je suis célibataire, ô mon œil ! » Et sultan Mahmoud s’écria : « Hé, là ! hé, là ! je suis un âne, ô ma tante, je suis un âne ! Regarde mes oreilles, et ma queue, et mon zebb ! Ce sont les oreilles et la queue et le zebb d’un âne. On ne se marie pas avec les ânes ! » Mais l’horrible vieille s’approcha de lui, et voulut l’embrasser. Et sultan Mahmoud, à la limite du dégoût et de la terreur, se mit à crier : « Hé, là ! hé, là ! je suis un âne, ya setti, je suis un âne ! De grâce, ne m’épouse pas ! Je suis un pauvre âne de moulin, hé, là ! hé, là ! » Et, faisant sur lui-même un effort surhumain, il sortit sa tête du bassin.