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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/90

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les mille nuits et une nuit

que je faisais des dépenses de plus en plus extraordinaires, et que j’entretenais à mes frais tous les étrangers de passage à Bassra, en les hébergeant comme des rois.

Aussi le bruit se répandit bientôt dans la ville que j’avais trouvé un trésor, et il n’en fallut pas davantage pour attirer vers moi la cupidité des autorités. En effet, le chef de la police ne tarda à venir me trouver, un jour, et, après avoir pris son temps, me dit : « Seigneur Aboulcassem, mes yeux voient et mes oreilles entendent ! Mais comme j’exerce mes fonctions pour vivre, alors que tant d’autres vivent pour exercer des fonctions, je ne viens point te demander compte de la vie fastueuse que tu mènes et t’interroger sur un trésor que tu as tout intérêt à cacher. Je viens simplement te dire que si je suis un homme avisé, je le dois à Allah et ne m’enorgueillis pas. Seulement le pain est cher, et notre vache ne donne plus de lait. » Et moi, ayant compris le but de sa démarche, je lui dis : « Ô père des hommes d’esprit, combien te faut-il par jour pour acheter du pain à ta famille et remplacer le lait que ne donne plus ta vache ? » Il répondit : « Pas plus de dix dinars d’or par jour, ô mon seigneur. » Je dis : « Ce n’est pas assez, je veux t’en donner cent par jour. Et, pour cela, tu n’as qu’à venir ici au commencement de chaque mois, et mon trésorier te comptera les trois mille dinars nécessaires à ta subsistance ! » Là-dessus il voulut m’embrasser la main, mais je m’en défendis, n’oubliant pas que tous les dons sont un prêt du Créateur. Et il s’en alla, en appelant sur moi les bénédictions.