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les mille nuits et une nuit

ma peau est déchirée et ma force se perd ; mes larmes coulent, et personne n’a pitié de moi.

Mon corps est en proie à l’ardeur du feu, mes larmes à la submersion, et mon cœur au bouillonnement. La sueur que je répands est l’indice irrécusable de mes tourments.

Ceux que consume un mal brûlant reçoivent de mon âme volatile le soulagement ; et ceux que le désir agite respirent avec délices le musc de mes robes anciennes.

Aussi lorsque ma beauté extérieure quitte les hommes, mes qualités intérieures avec mon âme restent au milieu d’eux.

Et les contemplatifs, qui savent tirer de mes charmes passagers une allégorie, ne regrettent point le temps où ma fleur ornait les jardins ; mais les amants voudraient que ce temps durât toujours.

« Et maintenant, ô mes maîtres et mes maîtresses, si vous le voulez bien, je vous dirai le Chant du Jasmin. Le voici :

« Cessez de vous chagriner, ô vous tous qui m’approchez, je suis le jasmin. Mes étoiles éclatent sur l’azur, plus blanches que l’argent dans la mine.

Je nais directement du sein de la divinité, et je me repose sur le sein des femmes. Je suis un merveilleux ornement à porter sur la tête.

Usez du vin en ma compagnie, et raillez celui qui passe le temps dans la langueur.

Ma couleur atteste le camphre, ô mes seigneurs, et mon odeur est la mère des odeurs. Par elle je suis encore présent, alors que je suis loin.