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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 15, trad Mardrus, 1904.djvu/168

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les mille nuits et une nuit

Aussi, lorsque mes plaintes douloureuses montent vers mes sœurs les colombes, tu prends ces gémissements pour le chant du plaisir et, joyeux, tu te divertis sur le gazon émaillé de mes fleurs. Hélas ! tu n’as pas compris.

Mes pétales blancs servent à me faire reconnaître de loin, mais toi ! Il est fâcheux que tu ne saches pas distinguer ma gaieté d’avec ma tristesse.

« Et maintenant, ô mes maîtres et mes maîtresses, si vous le voulez bien, je vous dirai le Chant de la Lavande. Le voici :

« Ô ! que je suis heureuse de ne pas être au nombre des fleurs qui ornent les parterres ! Je ne risque pas de tomber entre des mains viles, et je suis à l’abri des discours frivoles.

Contre la coutume de mes sœurs les plantes, la nature me fait croître loin des ruisseaux ; et je n’aime point les lieux cultivés et les terres civilisées.

Je suis sauvage. Loin de la société, mon séjour est dans les déserts et les solitudes. Car je n’aime point me mêler à la foule.

Comme personne ne me sème ni ne me cultive, personne n’a à me reprocher les soins qu’il m’aurait donnés. Libre, je suis libre ! Et les mains de l’esclave et de l’homme des villes ne m’ont jamais touchée.

Mais si tu viens dans le Najd d’Arabie, tu m’y trouveras : là, loin des demeures des hommes pâles, les plaines spacieuses font mon bonheur, et la société des gazelles et des abeilles est mon unique plaisir.

Là, l’absinthe amère est ma sœur de solitude. Je