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les lucarnes… (la vengeance du roi…)
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nuit d’entre les nuits, alors qu’il dormait à mon côté, et que je veillais sur son sommeil, voilà qu’un serpent noir parut soudain de dessous la natte, et vint droit sur son visage. Et Hojjr, tout en dormant, détourna d’instinct la tête. Et le serpent glissa du côté de la main, vers la paume ouverte. Et Hojjr ferma aussitôt la main. Alors le serpent, dérangé, se dirigea vers le pied allongé. Mais Hojjr, toujours dormant, plia la jambe et remonta le pied. Et le serpent, décontenancé, ne sut plus où aller, et se décida à se glisser sur une jatte de lait que Hojjr me recommandait de placer toujours pleine près de son lit. Et, une fois sur la jatte, le serpent huma goulument le lait, puis le revomit dans la jatte. Et moi, à cette vue, je pensais, en me réjouissant dans mon âme : « Quelle chance inespérée ! Quand Hojjr se réveillera, il boira ce lait maintenant empoisonné, et mourra à l’instant. Ah ! je serai donc débarrassée de ce loup. » Et Hojjr se réveilla, au bout d’un certain temps, altéré et demandant le lait. Et il prit la jatte de mes mains ; mais il eut soin d’en flairer d’abord le contenu. Et voici que sa main trembla, et la jatte tomba et se renversa. Et il fut sauvé. Ainsi fait-il pour tout, en n’importe quelle circonstance. Il pense à tout, prévoit tout, et n’est jamais pris au dépourvu. »

Et Sâdous l’espion entendit ces paroles ; puis il ne saisit plus rien de ce qui se disait entre Ziâd et Hind, sinon le bruit de leurs baisers et soupirs. Alors il se leva doucement et s’évada. Et, une fois hors du camp, il marcha à grands pas et fut, avant l’aube, près de son maître Hojjr, à qui il raconta tout ce qu’il avait vu et entendu. Et il termina son rapport,