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les lucarnes… (la chanteuse sallamah…)
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demeure d’Ibn Ghamîn, nous nous assîmes dans la salle de réunion. Et bientôt parut la Bleue, vêtue d’un mantelet orange et d’un superbe cafetan rouge-rose. Et nous crûmes voir le soleil embrasé se levant entre la tête et les pieds de l’éblouissante chanteuse. Et elle était suivie de la jeune fille esclave, qui portait le théorbe.

Et la Bleue chanta, sous ma direction, sur un mode nouveau que je lui avais appris. Et sa voix était riche, grave, profonde et émouvante. Et, à un moment donné, son maître s’excusa auprès de nous, et nous laissa seuls afin d’aller donner ses ordres pour le repas. Et Yézid, saisi au cœur d’amour pour la chanteuse, s’approcha d’elle, l’implorant du regard. Et elle parut s’animer, et eut pour lui, en continuant à chanter, un regard chargé de la réponse. Et Yézid, enivré de ce regard, se passa la main dans le vêtement, en retira deux perles magnifiques, qui n’avaient pas de sœurs, et dit à Sallamah, qui s’interrompit un moment de chanter : « Vois, ô Bleue ! Ces deux perles ont été payées par moi, aujourd’hui même, soixante mille drachmes. Si tu voulais, elles t’appartiendraient. » Elle répondit : « Et que veux-tu que je fasse pour te plaire ? » Il répondit : « Que tu chantes pour moi. »

Alors Sallamah, après avoir porté sa main à son front, en signe d’acquiescement, accorda l’instrument, et chanta les vers que voici, chant et musique de sa composition, sur le rythme grave-léger et premier, qui a comme tonique le ton simple de la corde du doigt annulaire :