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les mille nuits et une nuit

« Sallamah la Bleue a blessé mon cœur d’une blessure durable comme la durée des temps.

La plus habile science du monde ne la saurait fermer. Car on ne ferme pas au fond du cœur une blessure d’amour.

Sallamah la Bleue a blessé mon cœur. Ô Musulmans, venez à mon secours ! »

Et, ayant chanté cette ravissante mélodie de tendresse, en regardant Yézid, elle ajouta : « Eh bien, donne-moi maintenant à ton tour ce que tu as à me donner. » Et il dit : « Certes, ce que tu veux, je le veux. Mais écoute, ô Bleue. J’ai juré par un serment qui oblige ma conscience — et tout serment est sacré — que je ne passerais ces deux perles qu’à tes lèvres avec mes lèvres. » Et, à ces paroles d’Yézid, l’esclave de Sallamah, offusquée, se leva avec vivacité et la main levée pour admonester l’amoureux. Mais moi je l’arrêtai par le bras, et lui dis, pour la détourner de se mêler de l’affaire : « Reste donc tranquille, ô jeune fille, et laisse-les. Ils sont en marché, comme tu le vois, et chacun d’eux en veut retirer profit avec le moins de pertes possible. Ne les trouble pas. »

Quant à Sallamah, elle se mit à rire en entendant Yézid exprimer ce souhait. Et, se décidant soudain, elle lui dit : « Eh bien, soit ! Donne-les-moi, ces perles, de la manière que tu veux. » Et Yézid se mit à s’avancer vers elle, en marchant sur les genoux et les mains, les deux magnifiques perles entre les lèvres. Et Sallamah, poussant de petits cris d’effroi, se mit de son côté à reculer, ramenant sur elle ses robes, et évitant le contact d’Yézid. Et, à droite et