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les mille nuits et une nuit

apercevant, couchée sur les coussins, une délicate jouvencelle, sans autre habit ni ornement que sa propre beauté. Et elle était plongée dans un profond sommeil, sans se douter que, pour la première fois de sa vie, un œil humain la contemplait sans le voile du mystère. Et ses cheveux étaient en désordre ; et sa petite main potelée aux cinq fossettes était nonchalamment posée sur son front. Et le nègre de la nuit était réfugié dans sa chevelure couleur de musc, tandis que les sœurs des Pléiades se cachaient derrière le voile des nuages en voyant le chapelet lumineux de ses dents.

Et le spectacle de la beauté de cette jouvencelle de Chine, qui s’appelait Visage de Lys, fit tant d’effet sur le prince Nourgihân, qu’il tomba privé de sentiment. Mais il ne tarda pas à reprendre connaissance, et, poussant un froid soupir, il s’approcha de l’oreiller de la belle qui l’ensorcelait, et ne put s’empêcher de réciter ces vers :

« Quand tu dors sur la pourpre, ta face claire est comme l’aurore, et tes yeux tels les cieux marins.

Quand ton corps vêtu de narcisses et de roses s’étire debout ou s’allonge délié, ne l’égalerait le palmier qui croît en Arabie.

Quand tes fins cheveux où brûlent les pierreries retombent massifs ou se déploient légers, nulle soie ne vaudrait leur tissu naturel. »

Après quoi, voulant laisser à la belle dormeuse une trace de son entrée en ce lieu, il lui mit au doigt un anneau qu’il portait, et retira du sien la