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les lucarnes… (la crème à l’huile…)
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vait avec violence ces sorties, et venait souvent me retirer du milieu de l’assemblée qui écoutait le vénérable maître. Et elle me traînait par la main, en me gourmandant et me battant, et me faisait réintégrer de force la boutique du teinturier.

Et moi, malgré ces poursuites assidues et ces harcèlements de la part de ma mère, je trouvais toujours le moyen de suivre avec régularité les leçons du maître vénéré, qui déjà me remarquait et me citait même pour mon zèle, mon empressement et mon ardeur à rechercher l’instruction. Si bien qu’un jour ma mère, furieuse de mes fuites de la boutique du teinturier, vint crier au milieu de l’auditoire scandalisé, et, s’en prenant violemment à Abou-Hanifah, l’invectiva, lui disant ; « C’est toi, ô cheikh, qui es la cause de la perte de cet enfant, et de la chute certaine dans le vagabondage de cet orphelin sans ressource aucune. Car moi je n’ai que les profits insuffisants de mon fuseau ; et, si cet orphelin ne gagne pas quelque chose de son côté, nous mourrons bientôt de faim. Et la responsabilité de notre mort retombera sur toi au jour du Jugement. » Et mon vénéré maître, devant cette violente sortie, ne perdit rien de sa quiétude, et répondit à ma mère d’une voix conciliante : « Ô pauvre, qu’Allah te comble de Ses grâces ! Mais va, ne crains rien. Cet orphelin apprend ici à manger, un jour, de la crème de fine fleur préparée à l’huile de pistaches. » Et ma mère, en entendant cette réponse, fut persuadée que le vénérable imam était de raison chancelante, et se retira en lui jetant cette dernière injure : « Qu’Allah abrège tes jours ! tu es un vieux radoteur, et ta